Nous les Filles de Nulle Part - Amy Reed

Nous les Filles de Nulle Part - Amy Reed

"Mais nos voix, elles, sont plus fortes que nous l'imaginons. Même nos chuchotements peuvent créer des vaguelettes qui se propageront plus loin que nous pouvons le concevoir."

Auteur : Amy Reed
Genre : Contemporain
Editions : Albin Michel
Date de sortie : Février 2018
Note* : ♥♥♥♥♥

Chères amies,
Vous en avez marre ? Vous avez peur ? Vous en avez marre d'avoir peur ? Vous êtes EN COLÈRE ? On sait ce qu'ils ont fait. Spencer Klimpt, Eric Jordan et Ennis Calhoun. On sait qu'ils ont violé Lucy. On sait qu'ils ont fait du mal à d'autres, probablement beaucoup d'entre nous. On sait qu'ils recommenceront.
Vous êtes prêtes à agir ? A ne plus vous taire ? 
Rejoignez-nous. Ensemble nous sommes plus fortes qu'eux.
Nous ne nous tairons plus.
Nous les Filles de Nulle Part.

Féminisme : nm Mouvement militant pour l'amélioration et l’extension du rôle et des droits des femmes dans la société. (Source : Dictionnaire Larousse)

Il s'agit certainement de la première fois que je lis un livre qui aborde des problématiques que je rencontre vraiment au quotidien et c'est peut-être l'une des choses que j'ai préférées dans ce roman. Je pense aussi que cette particularité ne s'applique pas qu'à moi. A mon avis, n'importe quelle jeune fille peut se reconnaître dans ce livre et prendre conscience de tellement de choses importantes.

Le nœud principal de l'intrigue est porté par trois lycéennes plus ou moins marginales : Rosina, mexicaine et lesbienne, Erin, atteinte du syndrome d'Asperger (une forme d'autisme), et Grace, nouvelle au lycée ayant emménagé dans la maison d'une ancienne élève ayant été victime d'un viol. Elles décident d'envoyer un mail à toutes les filles de leur lycée, sous le pseudonyme Les Filles de Nulle Part, dans le but de faire évoluer la manière de penser des élèves du lycée Prescott et d'empêcher que d'autres filles subissent le même sort que Lucy.

Mais le récit ne se cantonne pas à Rosina, Grace et Erin, tout au long du roman, des petits passages, parfois de point de vue anonymes, viennent ponctuer l'histoire. Ce sont ces paragraphes qui font que, même si le lecteur n'a jamais eu affaire aux situations de l'intrigue principale, il pourra s'identifier à au moins l'une de ces dizaines de voix. Certaines soutiennent Les Filles de Nulle Part, ou n'ont pas besoin d'elles pour se sentir fortes, d'autres veulent leur nuire, ou ont simplement d'autres problèmes à gérer...

L'autrice ne tombe pas non plus dans le piège de stéréotyper les garçons pour mieux mettre en valeur les filles. Oui, il y a de gros machos misogynes à un point révoltant, mais il y a aussi de gentils garçons qui soutiennent les Filles de Nulle Part et c'est en grande partie grâce à eux que les choses peuvent évoluer.

De plus, les adolescentes ne sont pas les seules à être au cœur du roman. Ce sont d'ailleurs les femmes adultes qui m'ont le plus touchée dans ce roman : la mère de Rosina qui se tue au travail pour le compte de son frère, la directrice qui, au fond, admire les Filles de Nulle Part sans pouvoir les soutenir, la mère de Grace qui s'est libérée d'une forme de religion trop conservatrice pour trouver une façon de croire qui lui correspondait mieux...

Tout le monde est représenté dans ce roman, et c'est ce qui fait sa force.

J'ai la chance de ne pas subir ce que subissent les filles de ce roman, néanmoins ce n'est pas pour autant que je ne connais pas le sexisme. Ce livre m'a fait prendre conscience que je laissais passer beaucoup trop de choses qui n'ont pas lieu d'être, des choses que je voyais déjà mais contre lesquelles je ne me sentais pas de protester. Est-ce normal que, sans avoir jamais connu aucune agression, je sois quand même mal à l'aise à l'idée de me balader seule dans la rue ? Les femmes grandissent dans une peur que ne connaîtront jamais les hommes.
L'autrice nous livre des passages révoltants, notamment les extraits du blog Les Vrais Mecs de Prescott, tenu par des lycéens, et le pire moment, c'est lorsque l'on apprend dans les remerciements de l'autrice que ce blog a été inspiré de faits réels. C'est dans ces moments là qu'on se rend compte que l'égalité homme-femme est encore loin d'être acquise et qu'il y a encore de grandes avancées à faire.

Ce sont des livres comme celui-ci qui me font espérer que nous sommes peut-être à l'aube d'un nouveau grand pas en avant dans l'histoire du féminisme. On en parle de plus en plus et de mieux en mieux, entre l'affaire Weinstein, la légalisation de l'avortement en Irlande, les ladies qui luttent pour rentrer à la cour des Lords en Angleterre... ou encore, par le biais d'œuvres de fiction de plus en plus nombreuses sur le sujet. Il ne faut surtout pas laisser ce mouvement s'estomper.

Si toutes ces qualités ne suffisaient pas à vous convaincre de lire Nous Les Filles de Nulle Part, l'autrice bénéficie d'une jolie plume qui s'adapte à chacun de ses personnages ce qui rend la narration à la troisième personne presque plus personnelle qu'une narration à la première personne. En effet, certains passages sont très crus, par exemple lorsque Rosina se fait humilier par des clients au restaurant de son oncle, alors que certains sont beaucoup plus imagés, presque poétiques, notamment lorsque Erin revit sa propre expérience au travers d'un épisode de Star Trek. L'autrice fait aussi le choix très judicieux d'écrire son récit au présent, ce qui rend encore plus réel tous les événements qui se produisent tout au long du roman. Et pour finir, j'aimerais souligner le choix du prénom de le jeune fille qui va inconsciemment être à l'origine des Filles de Nulle Part : Lucy, clin d’œil à la toute première femme, pour moi, ça ne peut pas être le fruit du hasard.

Ce livre, totalement dans l'ère du temps, est une vraie prise de conscience, pour ses lectrices comme ses lecteurs, abordant des thèmes importants : la sexualité, la religion et bien sûr, le féminisme. Amy Reed fait passer son message à la perfection. Nous pouvons tous faire avancer les choses, il suffit de le vouloir, nous pouvons tous être des Filles de Nulle Part.

Atalante

*Notation :
♥♥♥♥♥ : Coup de cœur
✩: Lecture géniale, vraiment
✩: Lecture sympa
✩: Lecture mitigée
✩: Lecture décevante
✩: Mauvaise lecture
Ø: Lecture abandonnée

Commentaires

  1. Encore du travail...12 Août 2018 le Sénat Argentin à enterré le projet de loi censé autoriser L'IVG dans ce pays...mais on peut espérer que grace à des femmes et des jeunes filles le combat continu

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